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Accès aux documents en copropriété : le RGPD impose-t-il des restrictions au Syndic ?

Depuis l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, la gestion des données personnelles en copropriété suscite des interrogations croissantes. Certains Syndics invoquent ce texte pour refuser de transmettre des documents au Conseil syndical, en avançant la nécessité de protéger les informations des copropriétaires. A contrario, certains copropriétaires tentent d’engager la responsabilité du Syndic, à la suite d’une communication de documents qui porteraient prétendument atteinte au respect de leurs informations personnelles.

Dans ce contexte pouvant générer de vives tensions, il apparaît essentiel de rappeler les obligations précises incombant au Syndic sur le sujet, de clarifier les droits du Conseil syndical et de définir les risques juridiques encourus en cas de refus ou de retard abusif dans la transmission d’informations. Notre équipe s’est donc mobilisée pour apporter des réponses claires, opérationnelles et juridiquement sécurisantes.

1) Le RGPD empêche-t-il la transmission des documents de copropriété au Conseil syndical ?

L’alinéa 7 de l’article 21 de la Loi du 10 juillet 1965 prévoit que le Syndic doit fournir au Conseil syndical, lorsqu’il en fait la demande, tout document relatif à l’administration de l’immeuble ou se rapportant à la gestion du Syndic :

Cette obligation est d’ordre public et ne peut être limitée par le RGPD.

En effet, l’article 6, §1, point c) du RGPD précise que le traitement des données et la communication de documents se révèlent licites dans le cas où « le traitement est nécessaire au respect d’une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ».

Concrètement, cela revient à dire que le traitement de données personnelles, passant notamment par la communication de ces données, est réputé licite dès lors qu’il répond à une obligation légale posée par un État membre de l’Union européenne.

À cet égard, la CNIL a expressément confirmé cette analyse, dans un communiqué du 18 novembre 2022 à propos des documents de copropriété, considérant que « la transmission de ces documents n’est pas contraire aux principes de protection des données dès lors qu’elle repose sur une obligation légale ».

A contrario, le Syndic ne peut pas invoquer le RGPD pour refuser de transmettre les documents relatifs à la copropriété au Conseil syndical, tels que les relevés bancaires du Syndicat des copropriétaires, les factures des prestataires, les contrats en cours, les appels de charges ou encore les notifications de transfert de propriété d’un lot. Pour cause, toute opposition systématique ou tout refus injustifié constituerait un manquement du Syndic à ses obligations légales et est susceptible d’engager sa responsabilité et de déclencher les pénalités de retard décrites ci-dessous.

2) Quels sont les risques encourus par le Syndic en cas de refus injustifié ?

Conséquemment au premier point, le Syndic qui refuse de transmettre les documents requis par le Conseil syndical, sans motif légitime, peut voir sa responsabilité engagée, et ce, à deux titres.

S’agissant du droit commun, l’article 1992 du Code civil impose au Syndic, en tant que mandataire du Syndicat des copropriétaires, une obligation de gestion loyale et diligente. Le refus injustifié de communication d’informations essentielles peut être interprété comme une inexécution contractuelle et donner lieu à une action en responsabilité devant le tribunal judiciaire.

Toutefois, ce type de procédure de droit commun paraît peu efficiente et coûteuse pour la transmission de documents afférents à l’immeuble. Le législateur a donc amendé le droit spécial applicable aux organes de la copropriété en réformant l’article 21 de la Loi de 1965 (Loi ELAN du 23 novembre 2018 ; ord. n° 2019-1101 du 30 octobre 2019).

Alors que l’ancienne version du texte ne précisait que la transmission desdites pièces dans un « délai raisonnable », la nouvelle mouture de l’alinéa 7 de l’article 21 dispose :

En clair, cet article pose un cadre procédural bien plus précis et contraignant, puisque le Syndic doit transmettre les pièces au Conseil syndical dans un délai d’un mois à compter de sa demande.
Au terme de ce délai, des pénalités de retard seront imputées, ou plutôt déduites, de la rémunération annuelle du Syndic.

L’article 2 du décret du 7 octobre 2020 portant diverses mesures relatives aux pénalités de retard applicable au Syndic de copropriété précise, à cet effet, que « le montant de la pénalité mentionnée au septième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée est fixé à 15 euros par jour de retard»

En outre, si le Syndic refuse de déduire ces pénalités de retard de sa rémunération, il s’exposera à une possible action judiciaire du Président du Conseil syndical qui pourra, le cas échéant, saisir le juge des référés afin de liquider l’astreinte, dont les sommes seront imputées sur le compte du Syndicat de copropriétaires. Il convient d’ailleurs de noter que le retard par le Syndic dans la communication des documents justifié par des difficultés administratives ne permettra pas, à l’évidence, de s’exonérer de cette responsabilité.

3) Néanmoins, le Syndic peut-il refuser la transmission de certains documents ?

Au regard des obligations générales définies par la Loi, à savoir les documents liés à l’administration de la copropriété et la gestion du Syndic, ce dernier est normalement tenu de transmettre tout type de document au Conseil syndical. Bien que cette obligation de transmission soit largement applicable, il existe des cas extrêmement limités pour lesquels le Syndic peut légitimement être exempté de cette obligation, en raison de la nature spécifique des documents.

En effet, lorsque le Syndic agit à titre personnel, il n’est pas tenu de communiquer les documents relatifs à sa gestion propre ou à des actions qu’il mène en dehors de ses obligations propres à sa qualité de représentant du Syndicat de copropriétaires.

Cette position a été confirmée par la jurisprudence dans une affaire pour laquelle un Syndic avait agi devant le juge des référés à l’effet d’obtenir la remise, sous astreinte, de documents de la part d’un ancien Syndic. Le juge a précisé que l’action en liquidation de l’astreinte et les documents y afférents échappaient à l’obligation de communication (CA Lyon, 29 juin 2017, n° 15/08558).

4) Quid de la transmission d’adresses électroniques des copropriétaires à AR24 pour l’envoi de lettres recommandées électroniques  ?

Après plusieurs réformes en 2015, puis en 2020, le législateur a fixé de nouvelles règles de communication des documents du Syndic. Ces derniers doivent désormais assurer la transmission de toute notification (notamment les convocations aux assemblées générales et procès-verbaux) et mise en demeure par voie électronique (art. 64-2 du décret modifié du 17 mars 1967). Le nouveau dispositif prévoit que ces notifications peuvent être envoyées par lettre recommandée électronique (LRE), sous réserve du consentement exprès du destinataire.

L’article 38 de la Loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement vient introduire une nouvelle procédure selon laquelle l’envoi électronique par les Syndics de toute notification ou mise en demeure devient la règle, tandis que l’envoi postal devient, par voie de conséquence, l’exception.

Pour cause, l’alinéa 1er de l’article 42-1 de la Loi du 10 juillet 1965 prévoit que « les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique ». Dans ce cadre, en pratique, ces derniers peuvent se voir objecter par un ou plusieurs copropriétaires l’illégalité de la procédure au motif qu’elle serait attentatoire au RGPD.

En droit, il n’en est rien.

En effet, le RGPD assimile la transmission d’une adresse électronique à un tiers comme un traitement de données à caractère personnel, nécessitant une base légale. Suivant le même raisonnement, une base légale est prévue à l’alinéa 1er de l’article 42-1 précité. Par conséquent, la notification de document par voie numérique est parfaitement conforme au RGPD.

Cependant, afin de respecter le cadre réglementaire européen, le Syndicat doit s’assurer de contracter avec un opérateur économique certifié par l’État.  En effet, la Loi maintient l’obligation de recourir à un « prestataire de service de confiance qualifié » (PSCO) soumis aux caractéristiques techniques d’envoi électronique telles que définies dans le décret du 2 juillet 2020 (art. R. 53 et suivants du Code des postes et des communications électroniques). L’AR 24 – filiale numérique de La Poste – étant l’entreprise la plus connue du secteur est d’ailleurs naturellement référencée comme tiers de confiance. De nombreux acteurs, moins connus, disposent aussi du label PSCO, consultable sur le site de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information du ministère de l’Intérieur.

Ainsi, la communication des adresses électroniques des copropriétaires par des entreprises agréées comme AR24, en vue de l’envoi de LRE, est parfaitement conforme au RGPD.

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