Diagnostics et travaux d’amélioration énergétique en copropriété : qui est responsable ?

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Me Eric Audineau - Equipe

Diagnostics et travaux d’amélioration énergétique en copropriété : qui est responsable ?

Par Me Eric Audineau
12 mai 2023

Un mouvement de fond a été engagé par le législateur pour améliorer la performance énergétique des bâtiments. Ce mouvement s’est accéléré avec la crise de l’énergie qui impose progressivement une incitation à la sobriété énergétique, mais surtout une obligation de performance énergétique.

1) En ce qui concerne les diagnostics techniques.

La Loi « Climat & Résilience » du 22 août 2021 a renforcé les règles applicables afin de lutter contre les passoires thermiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40%, d’ici 2030. Ce durcissement législatif se traduit par l’obligation de réaliser des documents techniques obligatoires tels que le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT), le Diagnostic de performance énergétique « collectif » (DPE) ou encore le Diagnostic technique global (DTG).

Toutefois de nombreux professionnels du droit s’inquiètent du manque de clarté de ces diagnostics aux acronymes nébuleux.

La première complexité réside dans l’articulation de ces trois documents qui, bien que juridiquement distincts, demeurent étroitement liés.

En outre, le législateur a complexifié la procédure en rendant obligatoire le vote de chacun de ces diagnostics à des échéances différentes, savoir :

Pour les DTG et PPPT :
Le 1er janvier 2023, pour les copropriétés comprenant plus de 200 lots à usage de logements, bureaux ou commerces.
Le 1er janvier 2024, pour les copropriétés de 51 à 200 lots.
Le 1er janvier 2025, pour les copropriétés de moins de 50 lots.

Pour le DPE :
Le 1er janvier 2024, pour les copropriétés de plus de 200 lots.
Le 1er janvier 2025, pour les copropriétés entre 50 et 200 lots.
Le 1er janvier 2026, pour les copropriétés de moins de 50 lots.

Les syndicats de copropriétaires sont donc susceptibles de voir leur responsabilité engagée en cas de non-réalisation des diagnostics énergétiques obligatoires dans les échéances fixées par la loi.

Cependant si la faute est facile à prouver (la non-réalisation du diagnostic dans le délai légal), le préjudice du demandeur sera très difficile à démontrer, tout comme le lien de causalité entre les deux.

En outre, le syndicat sera susceptible de se retourner contre son syndic si celui-ci n’a pas inscrit ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée générale dans ce délai.

2) En ce qui concerne la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments du syndicat.

C’est indiscutablement sur ce point que le risque est le plus important et que des contentieux vont avoir lieu.

L’article 14 de la Loi de 1965 qui dispose que :

« Le syndicat a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions » [1].

Il convient de souligner que l’ordonnance en date 30 octobre 2019 a rajouté à l’objet du syndicat, en plus de la conservation de son bâti, l’amélioration de celui-ci et ce dans le but justement de clairement indiquer que l’amélioration de son efficacité thermique en fait partie.

Concrètement, cet article prévoit un régime de responsabilité de plein droit. Autrement dit, le syndicat est réputé responsable dès lors qu’un dommage est constaté et que celui-ci trouve son origine dans les parties communes, et ce, sans besoin de démontrer une faute.

La réalisation de travaux prescrits par les diagnostics techniques participe indubitablement à la conservation et à l’amélioration de l’immeuble puisqu’ils visent à dresser un état général de la situation thermique et énergétique du bâtiment, en prévoyant un échéancier de travaux [2].

Cependant ce texte indique que la responsabilité du syndicat n’est engagée qu’en cas de dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes.

Fort logiquement, la seule non-réalisation de travaux prescrits par un diagnostic technique n’est pas suffisante pour fonder une action judiciaire, il faut en plus qu’au moins une personne (copropriétaire ou tiers) subisse un préjudice déterminé de ce fait, tirant son origine des parties communes.

Le copropriétaire (ou le tiers) lésé est simplement tenu de démontrer le lien de causalité entre le défaut d’entretien ou d’amélioration des parties communes et le dommage dont il se plaint.

Rapporter la preuve de ce lien est facilité par l’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 (institué par la Loi Climat) qui introduit l’obligation d’inscrire les travaux prescrits par les diagnostics énergétiques (PPPT, DTG et DPE) dans le carnet d’entretien. Dès lors, l’absence de réalisation des travaux se justifiera aisément en se référant à ce document.
À notre connaissance, aucune décision de justice n’a encore été rendue sur ce point, mais cela ne saurait tarder.

En effet, l’absence de travaux d’amélioration de l’isolation thermique des bâtiments va très prochainement avoir de lourdes conséquences pour les copropriétaires bailleurs (interdiction de réévaluer leurs loyers et même de louer dans le cadre des logements dits « passoires thermiques »).

Ceux-ci ne manqueront donc pas d’engager la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans ce cas en sollicitant sa condamnation :

  • à réaliser les travaux définis par les diagnostics techniques, et ce sous astreinte,
  • à leur verser des dommages et intérêts à hauteur de leur préjudice locatif (ce qui peut représenter des sommes très importantes).

Et les décisions de justice à venir ne font l’objet d’aucun suspens : les syndicats des copropriétaires seront condamnés : la Cour de cassation ayant déjà retenu la responsabilité du syndicat du fait de la non-réalisation de travaux de réhabilitation rendus nécessaires par l’état de l’immeuble compte tenu des obligations légales prévues [3].

La seule défense envisageable pour les syndicats des copropriétaires sera de faire valoir que des travaux d’isolation globaux et communs ne sont pas possibles (notamment du fait de contraintes architecturales empêchant la mise en place d’un ITE sur les façades) et que, dès lors ; la seule solution technique pour améliorer la performance énergétique des appartements est de réaliser des travaux intérieurs et privatifs.

Cependant un tel argument devra être justifié par des études techniques sérieuses et poussera certainement la juridiction saisie à désigner un expert judiciaire pour formuler un avis technique, avis très difficilement prévisible en l’état de la maitrise technique du sujet par les professionnels.

Il convient de souligner qu’en cas de condamnation judiciaire, les assurances des syndicats de copropriétaires ne manqueront pas de refuser leur garantie en faisant valoir que les copropriétaires ont été avertis de la nécessité de faire réaliser des travaux par les diagnostics techniques et qu’ainsi la survenance du dommage n’est pas accidentelle, ce qui est par définition une clause d’exclusion.

Par ailleurs, les copropriétés employant des gardiens logés (catégorie B) doivent leur offrir un logement répondant aux critères de décence selon les dispositions de l’article 20 de la convention collective.

Or, un décret en Conseil d’État en date du 9 mars 2017 a défini le critère de performance énergétique minimale à respecter, un calendrier de mise en œuvre échelonnée et a modifié le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent en conséquence.

Les copropriétés qui se trouvent dans cette situation doivent donc réaliser des travaux d’isolation thermique ; sauf à engager leur responsabilité également en leur qualité d’employeur vis-à-vis de leurs salariés et des personnes vivant avec eux.

Il appartient de ce fait aux professionnels de l’immobilier, et tout spécialement aux syndics, de remplir leur devoir d’information vis-à-vis des copropriétaires en leur expliquant les conséquences en cas de refus de voter en assemblée générale les travaux prescrits par les diagnostics techniques.

A cet égard, il a d’ores et déjà été constaté que les copropriétaires bailleurs sont devenus beaucoup plus moteurs pour voter ces travaux afin de préserver la valeur locative de leurs biens, alors que traditionnellement ces propriétaires participent peu à la vie des copropriétés et ont une tendance à être hostiles au vote de travaux qui ne constituent pas des charges récupérables sur leurs locataires.

Notes de l'article:

[1] Al. 4 et 5
[2] V. la jurisprudence de principe : Civ, 4 janvier 1989, n° 87-14.871.
[3] Cass., 3e Civ., 15 octobre 2014, n° 13-18.343.

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