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L’envoi électronique de notifications, convocations, procès-verbaux et mises en demeure par les Syndics aux copropriétaires se révèle être une question pouvant paraître, de prime abord, superficielle, mais qui revêt une importance majeure dans le quotidien des gestionnaires de copropriété. Après plusieurs avancées en 2015 puis en 2020, un nouveau pas a été franchi dans la dématérialisation des échanges réglementés en copropriété, conformément à l’article 38 de la Loi dite « Habitat dégradé » du 9 avril 2024.
Nous vous expliquons !
1) Quelles sont les modifications apportées par cette Loi ?
L’article 38 de la Loi du 9 avril 2024 visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement vient introduire une nouvelle procédure selon laquelle l’envoi électronique par les Syndics devient la règle, tandis que l’envoi postal devient, par voie de conséquence, l’exception.
Pour cause, ledit article modifie l’article 42-1 de la Loi du 10 juillet 1965 comme suit :
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« Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique.
Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale.
« Le syndic informe les copropriétaires des moyens qui s'offrent à eux pour conserver un mode d'information par voie postale. »
Le point le plus novateur de cette disposition réside dans la fin du consentement exprès et préalable de chaque copropriétaire.
Pour rappel, avant l’adoption de cette Loi, les notifications et mises en demeure pouvaient déjà être établies par la voie de la LRE, en vertu du décret n°2020-834 du 2 juillet 2020, mais uniquement à la condition d’obtenir à l’avance l’accord exprès du copropriétaire qui, le cas échéant, était tenu de préciser si ce nouveau moyen de communication pouvait lui être imputé seulement pour les mises en demeure ou aussi pour les notifications (art. 64-3, décret n° 67-223 du 17 mars 1967). Le copropriétaire disposait, à tout moment, du droit de revenir sur sa décision et d’exiger, à nouveau, un envoi postal (art. 64-4, décret précité).
Dès lors, bien que les copropriétaires puissent toujours requérir de recevoir les notifications et mises en demeure par voie postale, ces derniers sont désormais présumés consentir à l’envoi dématérialisé. Dans le cas où un copropriétaire souhaiterait s’opposer à cette nouvelle procédure, il devra en informer explicitement le Syndic par LRAR ou par LRE ; l’envoi d’un simple mail n’étant pas recevable.
L’avantage de la LRE – en sus de la simplification des démarches de notification – offre une véritable sécurité juridique dans les communications officielles par les Syndics, dans la mesure où les délais de notification commencent à courir dès le lendemain de l’envoi (matérialisé par la réception d’une preuve de dépôt et de transmission de la LRE par le prestataire).
Ainsi, dans le cas où un copropriétaire déciderait de refuser ou d’ignorer une notification par LRE, cela n’empêchera pas de considérer que celle-ci lui a été régulièrement signifiée. Autrement dit, ce dernier ne pourra pas contester la tenue d’une Assemblée générale, au motif qu’il n’aurait pas été notifié au moins 21 jours avant la date de la réunion (art. 9, décret 1967 précité).
2) Ce dispositif est-il immédiatement applicable ?
- Bon nombre de gestionnaires et d’administrateurs de biens s’interrogent sur les modalités d’application de la Loi dans le temps. En effet, une majorité des dispositions de la Loi Habitat dégradé sont assorties d’une application différée ou conditionnée à l’entrée en vigueur d’un décret d’application.
Or, l’article 38 à propos de la LRE ne prévoit aucune de ces deux exceptions. Dès lors, et suivant le principe d’application immédiate d’un texte législatif, le recours à la LRE est désormais pleinement applicable, et ce, depuis le 10 avril 2024.
Toutefois, l’article 63 du décret du 17 mars 1967 qui dispose que… :
- « Toutes les notifications et mises en demeure prévues par la loi du 10 juillet 1965 et par le présent décret, à l'exception de la mise en demeure visée à l'article 19 de ladite loi, sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. »
… Demeure inchangé.
Dès lors, il apparait nettement plus prudent d’attendre la mise en conformité de cet article par voie de décret avec les nouvelles dispositions légales avant de considérer que celles-ci sont applicables.
3) Quel est le cadre réglementaire applicable ?
- Par la suite, afin que la LRE conserve la même valeur juridique qu’une LRAR classique, les gestionnaires de copropriété devront être vigilants sur certains points.
D’une part, ces derniers devront s’assurer de contracter avec opérateur économique, certifié par l’État.
En effet, la Loi maintient l’obligation de recourir à un « prestataire de service de confiance qualifié » (PSCO), soumis aux caractéristiques techniques d’envoi électronique, définies dans le décret du 2 juillet 2020 (art. R. 53 et suivants du Code des postes et des communications électroniques). L’AR 24 – filiale numérique de La Poste – étant l’entreprise la plus connue du secteur, il existe de nombreux acteurs qui disposent du label PSCO, consultable sur le site de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations du ministère de l’Intérieur : https://cyber.gouv.fr/la-liste-nationale-de-confiance.
D’autre part, afin de garantir une transparence totale, nous vous conseillons d’avertir chaque copropriétaire de ces modifications en spécifiant leur faculté de s’opposer à ce nouveau dispositif, exclusivement par voie écrite (LRE ou LRAR).
Enfin, en vue d’éviter toute difficulté technique, nous vous recommandons également d’intégrer une mention visant à s’assurer de la validité des adresses électroniques de chaque copropriétaire et d’exiger un retour, dans les plus brefs délais, en cas d’erreurs ou de changements d’adresse.
En effet, les syndics disposent des mails de nombreux copropriétaires qui sont collectés au fil de l’eau dans le cadre de leurs échanges relatifs à la vie des immeubles.
Toutefois, l’article 65 du décret de 1967 dispose que « chaque copropriétaire notifie au syndic (…) son adresse électronique (…) les notifications et mises en demeure prévues sont valablement faites (…) à la dernière adresse électronique notifiée au syndic ».
Un copropriétaire qui n’aurait donc pas « notifié » son adresse électronique au Syndic serait de ce fait en droit de soutenir que celui-ci ne peut pas valablement lui adresser de lettres recommandées électroniques.
Notre équipe reste naturellement à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner dans la mise en place de ces nouvelles procédures de communications réglementées.