Lorsqu’une copropriété décide de réaliser des travaux sur ses parties communes et qu’elle fait appel à une ou plusieurs entreprises et/ou travailleurs indépendants, la mise en place d’un coordonnateur de sécurité et de protection de la santé (SPS) est rendue obligatoire par le Code du travail (art. R. 4532-4 et suivants), et ce dès la phase de conception des travaux. Ce prestataire est chargé d’intervenir sur les risques générés par chaque entreprise réalisant des travaux sur les autres entreprises de l’opération (coactivité simultanée ou successive) ainsi que les risques générés par l’environnement (trafic, solidité du matériel, sécurité des échafaudages, tiers, réseaux enterrés, terrestres ou aériens) sur les entreprises réalisant les travaux.
Bien que cette obligation demeure assez ancienne, puisque résultant d’une loi du 31 décembre 1993 relatif aux opérations de bâtiment et de génie civil en vue d’assurer la sécurité et de protéger la santé des travaux, certains aspects de cette obligation sont encore largement méconnus.
- 1) À quel stade de la procédure : conception ou exécution ?
LES DEUX.
Les textes sont sur ce point univoque : le recours au coordonnateur SPS est obligatoire dès la phase de conception des travaux, et ce indistinctement de la nature ou de l’ampleur du projet.
En effet, la lecture combinée des articles L. 4532-3 et L. 4532-4 du Code du travail (exposés successivement ci-après) prévoit que :
« La coordination en matière de sécurité et de santé est organisée tant au cours de la conception, de l’étude et de l’élaboration du projet qu’au cours de la réalisation de l’ouvrage. »
« Le maître d’ouvrage désigne un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé pour chacune des deux phases de conception et de réalisation ou pour l’ensemble de celles-ci. »
En outre, plusieurs textes réglementaires rappellent avec fermeté cette obligation qui s’avère désormais intangible.
Pour exemple, l’arrêté du 17 mars 2014 relatif au titre professionnel de conducteur de travaux prévoit un référentiel de travaux en vertu duquel ce dernier est tenu de demander « les diverses autorisations administratives nécessaires au déroulement du chantier et rédige le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) qui sera remis au coordonnateur de sécurité et protection de la santé (SPS) » et lors des opérations de clôture des chantiers est dans l’obligation de communiquer « au coordonnateur SPS le dossier d’intervention ultérieure de l’ouvrage (DIUO) ».
Concrètement, ce qu’il faut retenir est que la recours à cette autorité de prévention est obligatoire lors de la conception, du commencement d’exécution et ce, jusqu’à la clôture des travaux.
En pratique, dès que les travaux projetés nécessitent la mise en place d’un échafaudage, le recours à un coordinateur SPS dès la phase de leur conception est obligatoire car par définition au moins deux entreprises vont intervenir.
- 2) Peut-on désigner un autre coordonnateur lors de l’exécution des travaux, distinct de celui choisi lors de la phase d’élaboration ?
OUI.
Il est tout à fait possible de recourir à deux coordonnateurs SPS, l’un officiant durant la phase de conception, l’autre intervenant lors de la phase d’exécution jusqu’à la clôture des travaux. Toutefois, la Loi pose une condition procédurale selon laquelle la désignation du second coordonnateur doit intervenir avant le lancement de la consultation des entreprises (formalisé dans un Dossier de Consultation des Entreprises) :
« Lorsque le maître d’ouvrage désigne, pour la phase de réalisation de l’ouvrage, un coordonnateur distinct de celui de la phase de conception, d’étude et d’élaboration du projet, cette désignation intervient avant le lancement de la consultation des entreprises. »
(art. R. 4532-5, Code du travail).
- 3) La saisine est-elle obligatoire en cas de travaux individuels qui affectent les parties communes ?
Selon les dispositions de l’article 25b) de la Loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire concerné doit obtenir l’autorisation préalable de l’Assemblée générale et celle-ci peut assortir son autorisation de conditions.
Une des conditions habituellement imposée est de souscrire une assurance Dommages-Ouvrage.
Il est donc prudent de rajouter comme condition le recours à un coordinateur SPS afin que la responsabilité du Syndicat des copropriétaires ne puisse pas être recherchée en cas de difficulté.
- 4) Tous les sous-traitants doivent-ils être déclarés au Coordonnateur SPS ? À plus forte raison, un changement en cours d’exécution des travaux doit-il être obligatoirement faire l’objet d’une notification au coordinateur ?
OUI.
Naturellement, lorsque plusieurs entreprises de travailleurs indépendants ou sous-traitants sont appelées à intervenir sur un chantier, ces dernières doivent systématiquement être notifiées au coordinateur SPS, même si le maître d’ouvrage ou le conducteur de travaux décide de changer une entreprise sous-traitante.
Cette position est univoque puisque la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée très clairement sur la question dans un arrêt du 17 juin 2015 (n° 14-13.350).
En l’espèce, le maître d’ouvrage a décidé de bénéficier des services d’un autre sous-traitant distinct de celui désigné initialement au coordinateur. Or, ledit professionnel a subi un dommage corporel et a diligenté une action civile en réparation du préjudice subi au motif que certaines protections sur le chantier n’avaient pas été mises en œuvre.
La Cour de cassation conclue à une responsabilité partagée puisque bien que le coordonnateur reste responsable de ses fautes dans l’exercice de ses missions vis-à-vis du maître d’ouvrage, ce dernier ne peut pas être responsable des fautes pour des informations ou moyens dont il n’avait pas connaissance :
«Qu’en ne lui communiquant pas la liste actualisée des entreprises intervenues sur le chantier, il n’avait pas permis au coordonnateur SPS de bénéficier de la visite d’inspection préalable à son intervention qui aurait permis d’informer l’entreprise des modalités de mise en fonctionnement des éclairages par lesquelles sa chute ne serait pas intervenue ».
- Concrètement, le coordinateur peut donc, en cas de dommage constaté sur le chantier, mener une action récursoire permettant de se retourner civilement (et non pénalement) contre le maître d’ouvrage pour manquement à son obligation d’information quant au suivi des modifications des opérations sur le chantier (v. art. L. 4532-16, Code du travail).
- 5) Quels sont les risques et surtout qui est responsable : le Syndic ou le Syndicat des copropriétaires ?
Les risques encourus sont à la fois financiers, techniques et juridiques.
Financiers : L’inspection inopinée sur le chantier constatant la non-saisine de ladite autorité conduirait le Syndicat des copropriétaires soit à être assigné en justice (cas peu usité en pratique) ou à devoir verser une amende forfaitaire afin d’éviter le contentieux, pouvant constituer une somme très importante en fonction du montant total du chantier (cas le plus courant dans la pratique).
Techniques : Une telle inspection conduit inévitablement à l’interruption temporaire des travaux entraînant, de facto, le blocage dans l’avancement du chantier susceptible de générer des coûts supplémentaires.
Juridiques : En l’état du droit, aucun texte ni dans le Code du travail ni dans le Code pénal ne prévoit une infraction spécifique sur ce point.
Néanmoins, c’est par le truchement d’un autre fondement textuel que des risques pénaux peuvent être engagés : la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (art. 121-3 et art. 222-20, Code pénal).
Il ressort d’une analyse approfondie de la jurisprudence, que la responsabilité pénale du coordinateur ait été engagée, tel a été le cas lorsque l’autorité n’avait pas pris de mesure pour interdire l’accès du public au chantier ou lorsque ce dernier n’avait pas vérifié la sécurité d’un échafaudage entraînant un accident (Cass. Crim., 9 juin 2009, n° 08-82.847).
De prime abord, il semblerait donc que le Syndic, en sa qualité de représentant légal du maître d’ouvrage, soit exonéré d’une éventuelle responsabilité pénale. Mais ce n’est pas vraiment le cas puisque la jurisprudence considère que l’auteur indirect d’une infraction ayant entraîné une blessure involontaire peut également être poursuivi lorsqu’il a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage.
Toutefois, aucune situation n’est à recenser dans la jurisprudence qui, pour lors, a tendance à adopter une position protectrice du Syndic. C’est ainsi que la Cour de cassation a décidé d’exonérer la responsabilité du maître d’ouvrage (en l’espèce, un Syndicat des copropriétaires) omettant de transmettre aux entreprises intervenant sur le chantier le plan général de coordination, cette dernière ne pouvant être qualifiée de faute pénale non intentionnelle de défaut de contrôle, même si un accident a eu lieu sur le chantier (Cass. Crim., 16 mars 2021, pourvoi n° 20-81316).
- Pour rappel, les Syndics n’ont pas l’obligation de proposer un tel contrat à l’Assemblée générale, mais l’obligation de le souscrire dès lors que les conditions légales sont remplies. D’ailleurs, si un échafaudage est mis en place, il est certain, en pratique, qu’au moins un sous-traitant interviendra sur le chantier et donc qu’il est indispensable de missionner un CSPS.
Nous ne pouvons que vous conseiller, si le recours à un coordonnateur SPS est obligatoire en vertu des textes précités, de clairement indiquer aux copropriétaires en Assemblée générale (et dans son procès-verbal) qu’il s’agit là d’une obligation légale et qu’à défaut les travaux ne pourront tout simplement pas être réalisés.
Notre équipe d’experts reste extrêmement vigilante aux évolutions juridiques sur cette thématique afin de vous informer, avec clarté et réactivité, sur cette réglementation susceptible d’évoluer.
Nous restons naturellement à votre disposition pour vous accompagner dans ces démarches contractuelles.
N’hésitez pas à nous contacter et à diffuser cette lettre d’information !
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