Loi « anti-squat » : quelles conséquences pour les mauvais payeurs ?
Composée de trois chapitres, la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 s’attache à mieux réprimer le squat, à sécuriser les rapports locatifs et à renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté.
Décryptage.
1) Le second chapitre de la loi touche à la gestion des baux et du traitement des locataires indélicats.
La loi impose, dans les contrats de location, une clause de résiliation automatique en cas d’impayés de loyers. Sur ce point, il convient de relever que dans les faits, la quasi-totalité des contrats en contiennent déjà une.
2) Sur la suspension de la clause résolutoire par le juge.
Les conditions sont modifiées ou plus précisément encadrées. Le législateur tend à entériner la jurisprudence en la matière et également à être plus sévère face au débiteur de mauvaise foi.
Le juge pourra toujours, mais à la demande du locataire ou du bailleur et non plus d’office, suspendre les effets de cette clause résolutoire à deux conditions :
- Si ce dernier est en situation de régler sa dette locative
- Et qu’il a « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».
La loi rappelle également que « ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges ».
La suspension de la clause prendra fin automatiquement « dès le premier impayé » ou retard dans le paiement de la dette locative fixé par le juge.
3) Sur les délais de paiement octroyés.
Le juge pourra toujours, d’office, à la demande du locataire ou du bailleur accorder des délais de paiement (toujours jusqu’à 3 ans), néanmoins sous deux les mêmes conditions que celles précédemment mentionnées, savoir que le preneur soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait « repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience ».
4) Sur les délais de grâce.
Le juge qui a prononcé une mesure d’expulsion pourra toujours accorder des délais, pour autant que le locataire ne soit pas de mauvaise foi, mais ces délais ne pourront être inférieurs à un mois (au lieu de trois mois) ni supérieurs à un an (contre trois ans).
Il est à noter que cette disposition ne sera pas applicable lorsque les occupants sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes.
5) Sur la réduction de certains délais dans les procédures contentieuses du traitement des impayés de loyers.
- Le délai d’acquisition de la clause résolutoire passe à 6 semaines au lieu de 2 mois
- Tandis que le délai de notification de l’assignation au préfet passe à 6 semaines au lieu de 2 mois, sur ce point il convient de relever que le délai de 2 mois pour la notification la Commission spécialisée de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) avant l’audience, n’a pas été modifié.
La particularité des délais en semaine est qu’ils ne sont pas prévus par le Code de procédure civile (art. 641), ce qui va immanquablement générer des litiges dans certaines affaires.
Il convient donc d’être attentif sur ce point.
6) Dispositions diverses.
- Le montant de la dette est harmonisé (situation d’impayé depuis une durée de deux mois ou lorsque la dette est équivalente à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges)
- L’encadrement prochain des modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire, en cas de refus d’octroi du concours de la force publique pour procéder à l’exécution d’une mesure d’expulsion.
Il convient de relever que l’article 7 de la loi a été censuré par le Conseil constitutionnel [1]. Ledit article visait à introduire un régime dérogatoire de responsabilité civile au profit des propriétaires de logements occupés illicitement.
Dans un communiqué du 29 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a précisé que les motifs de sa censure « ne privent pas le législateur de la possibilité de réformer le droit actuel pour aménager la répartition des responsabilités entre le propriétaire et l’occupant illicite », à condition que « demeurent protégés les droits des tiers », victimes de dommage.
Concrètement, la loi ne va pas modifier le traitement qui doit être mis en place par vos cabinets dans l’intérêt de vos mandants, pour le recouvrement des impayés locatifs, ni l’accompagnement de notre cabinet que nous vous proposons, dans la cadre des procédures d’acquisition de la clause résolutoire et expulsion et/ou simplement en paiement.
Les délais judiciaires étant longs, il vous appartient de surveiller vos portefeuilles, sous peine de voir votre responsabilité engagée et de mettre en œuvre une procédure en paiement expulsion rapidement.
Il faut espérer que les tribunaux – que nous invitions dans le cadre de leurs délibérés avant même la parution de la loi du 27 juillet 2023 à appréhender sévèrement le locataire de mauvaise foi – protègent également le bailleur en usant d’une législation aujourd’hui un peu plus stricte et encadrée.
Un mot tout de même, s’agissant du premier chapitre dans lequel le législateur a entendu sanctionner, sous l’angle pénal, plus sévèrement les squatteurs en prévoyant notamment :
- Le triplement des sanctions « en cas d’introduction à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes », dans le domicile d’autrui, en portant les peines encourues à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende ; ledit domicile étant constitué au sens de l’article 226-4 du Code pénal de « tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non »
- Pour sanctionner le squat de toutes les propriétés immobilières et pas seulement des domiciles, un nouveau délit « d’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel », qui sera puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende
- Une nouvelle infraction punie de 7 500 euros d’amende à l’encontre des locataires en impayés de loyers, restés dans le logement à l’issue d’un jugement d’expulsion devenu définitif, sauf lors de la trêve hivernale et pour ceux bénéficiant d’une décision de sursis à expulsion ou d’un logement social
- Trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende pour les instigateurs de squats en faisant croire qu’ils sont propriétaires des logements.
Un dernier mot enfin, s’agissant du troisième chapitre, qui prévoit le renforcement des mesures de la prévention des expulsions locatives (précisions sur le rôle et les missions des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, notamment la CCPAEX).
Martine Fontaine, Avocate
Xavier Guitton, Avocat
Cabinet Audineau & Associés