L’annonce d’un logement de type AirBnB dans un immeuble est souvent perçue comme une intrusion de nuisances dans le calme relatif de la copropriété. En effet, qui dit location touristique dit touristes, qui dit touristes dit passages, qui dit passages dit bruits, etc. À cela s’ajoute, les boîtes à clés et autres dispositifs qui prolifèrent dans les parties communes. La Loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, dite Loi « Le Meur », vient durcir la réglementation applicable à ce type de location. Mais, est-elle suffisante, en pratique ? Existe-t-il d’autres outils juridiques de contestation ? Nous vous expliquons !
1) L’annulation par l’Assemblée générale des locations AirBnB.
Le règlement de copropriété spécifie normalement l’affectation et la destination des lots privatifs.
Il peut ainsi contenir :
- Une clause d’habitation bourgeoise stricte, où dans ce cas, seul l’usage d’habitation est autorisé, aucune profession libérale ni aucune activité commerciale n’est acceptée.
Une clause d’habitation bourgeoise simple, où dans ce cas, hormis l’usage d’habitation, l’exercice d’une profession libérale est autorisé à l’exception des activités commerciales ;
Une clause d’usage mixte, traduisant que le règlement autorise l’exercice d’une activité commerciale dans l’immeuble.
- Dans le premier cas, il sera tout à fait possible pour la copropriété de solliciter judiciairement la cessation sous astreinte de la location d’un ou plusieurs lots en meublé de tourisme. En effet, la jurisprudence a toujours considéré qu’une location de ce type portait atteinte à la destination de l’immeuble.
- Dans le second cas, il convient de noter plusieurs évolutions jurisprudentielles et désormais légales.
À l’origine du développement de ce type de location, les juridictions considéraient qu’il était possible d’y effectuer de la location touristique de courte durée, dans la mesure où une telle pratique n’était pas considérée comme une activité commerciale.
A cet effet, les Tribunaux écartaient tout principe d’interdiction érigé dans un règlement de copropriété dans un immeuble où étaient autorisées des activités libérales, ce qui impliquait que des personnes étrangères à la copropriété circulent d’ores et déjà dans l’immeuble.
Depuis quelques années, la Cour d’appel de Paris adopte une position beaucoup plus stricte à l’égard des locations meublées touristiques de courte durée en considérant qu’elles sont incompatibles avec l’esprit d’une clause d’habitation bourgeoise simple d’un règlement de copropriété. Pour exemple, dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris a estimé que l’appartement, objet de l’action du syndicat des copropriétaires en violation du règlement de copropriété, était loué de façon meublée à titre professionnel pour de courtes périodes et que ce mode de location était commercial, violant ainsi les dispositions du règlement de copropriété érigeant le principe d’interdiction d’activité commerciale dans les appartements.
Dans le second cas, il convient de noter plusieurs évolutions jurisprudentielles et désormais légales.
- La Loi « Le Meur » tente visiblement de régler ces divergences jurisprudentielles dans ses articles 8 et 9 qui prévoient que le règlement de copropriété peut contenir une clause interdisant ou régissant précisément l’activité de location touristique de courte durée au sein d’un immeuble qui interdit une activité commerciale.
En effet, le nouvel article 8-1-1 de la Loi du 10 juillet 1965 prévoit que tous les nouveaux règlements de copropriété doivent se prononcer expressément sur ce sujet.
En outre, le législateur a modifié l’article 26 de la Loi du 10 juillet 1965 selon lequel :
« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
[…]
d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »
- Par conséquent, dans la mesure où cette nouvelle interdiction est assujettie à au seul fait que le règlement de copropriété interdise toute activité commerciale, les immeubles qui sont soumis à une clause de bourgeoisie simple pourront donc valablement interdire cette activité en sollicitant une modification dudit règlement.
3. Dans le troisième cas – lorsque le règlement de copropriété prévoit une destination de l’ensemble immobilier mixte (habitation et commerciale), la location en meublé de tourisme n’est normalement pas répréhensible et toutes les clauses d’interdiction qui pourraient être insérées dans ledit règlement sont susceptibles d‘être réputées non écrites sur le fondement des article 9 et 43 de la Loi du 10 juillet 1965.
La Loi « Le Meur », dans cette configuration, n’a apporté aucune modification puisque le texte limite son interdiction aux lots d’habitation, ce qui exclut fort logiquement les locaux commerciaux. En effet, l’activité de location touristique de courte durée ne saurait causer plus de nuisances qu’un commerce classique.
Pour résumer, l’utilisation des nouvelles dispositions de la Loi « Le Meur » nécessite :
- Un immeuble comprenant, au moins en partie, des lots à usage d’habitation.
- Un règlement de copropriété interdisant l’activité commerciale dans ces lots d’habitation (clause de bourgeoisie simple ou stricte).
- Un projet de modificatif annexé à la convocation.
- Un vote à la majorité 26 (majorité des copropriétaires de l’immeuble représentant au moins les 2/3 des voix des copropriétaires) avec seconde lecture possible à 25. Il présente donc un intérêt tout particulier lorsque l’immeuble comprend également des professions libérales, en ce qu’il évite au Syndicat de démontrer en quoi la location touristique violerait la destination de l’immeuble.
- Il est donc essentiel de s’assurer de la bonne rédaction des résolutions proposées par le Syndic, afin d’éviter tout contentieux sur ce point et d’annexer à la convocation de l’assemblée générale le projet de modificatif du règlement de copropriété prévu à l’article 11 du décret du 17 mars 1967.
2) L’annulation par l’Assemblée générale des locations AirBnB.
Lorsque les stipulations du règlement de copropriété ne permettent pas d’agir contre les locations de tourisme – notamment lorsque le règlement comporte une clause à usage mixte – il est toujours possible d’agir au titre des nuisances et dégradations qu’elles génèrent dans l’immeuble.
L’action dans ce cas est à la fois basée sur l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965 et sur la théorie des troubles anormaux de voisinage – création prétorienne désormais codifiée à l’article 1253 du Code civil – qui met en place une responsabilité sans faute nécessitant la preuve d’un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d’un trouble anormal.
D’ailleurs, les juges n’ont pas hésité à appliquer cette théorie pour condamner des copropriétaires à l’égard du Syndicat en raison du trouble généré par leurs locataires louant pour de courtes périodes.
En effet, par un arrêt rendu le 11 mai 2017, la Cour de cassation a estimé qu’un « syndicat des copropriétaires peut agir à l’encontre d’un copropriétaire sur le fondement d’un trouble anormal de voisinage. ». Des jurisprudences récentes de 2024 propres à ce type de location ont engagé la responsabilité des copropriétaires bailleurs en ordonnant la cessation de ces activités en raison de troubles manifestes du voisinage, notamment en raison d’un encombrement des parties communes par les locataires ainsi que les incessants va-et-vient qui ne font qu’augmenter le sentiment d’insécurité et les nuisances (CA Paris, 7 mai 2024, n° 23/14210 ; TJ Paris, 25 juill. 2024,
n° 24/53873).
Toutefois, pour ce faire, le trouble doit être collectif, c’est-à-dire affecter l’immeuble et non simplement un lot. Ainsi, le préjudice est collectif lorsqu’il affecte les parties communes (couloirs, ascenseurs, escaliers), ce qui est souvent le cas, en pratique, en matière de locations AirBnB pour lesquelles la diffusion du code d’entrée et les incessants va-et-vient ne font qu’augmenter le sentiment d’insécurité et les nuisances.
3) Une mise en demeure par le Syndic en cas de manquement à l’obligation d’information
Un des autres apports de la Loi de novembre 2024 réside dans l’article 8 qui insère un article 9-2 dans la Loi du 10 juillet 1965 selon lequel :
« Lorsqu’un lot de copropriété fait l’objet de la déclaration prévue à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, le copropriétaire ou, par son intermédiaire, le locataire qui y a été autorisé en informe le Syndic. Un point d’information par le Syndic relatif à l’activité de location de meublés touristiques au sein de la copropriété est inscrit à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale. »
Cette mesure, d’application immédiate, oblige les copropriétaires à informer le Syndic que son lot a fait l’objet d’une déclaration ou d’un enregistrement en tant que meublé de tourisme. Le cas échéant, le Syndic est tenu d’annexer au prochain ordre du jour de l’AG un point relatif à cette activité.
En cas de présence d’une location AirBnB constatée par le Syndicat ou le Conseil syndical, sans en avoir préalablement informé le Syndic, ce dernier pourra exiger du copropriétaire concerné de réaliser une lettre attestant de l’enregistrement de son bien et de ses conformités administrative et technique (puisque l’administration ne pourra donner une issue favorable à la demande que si le copropriétaire produit plusieurs documents techniques, notamment un DPE ; art. 3 de la Loi, art. L. 631-10, CCH).
À défaut de réponse du copropriétaire dans un délai raisonnable, le Syndic après accord du Syndicat pourra mandater un avocat à l’effet de rédiger une lettre de mise en demeure visant à rappeler les obligations précitées et les risques juridiques auxquels le copropriétaire s’expose tant auprès de l’administration (le Syndic pourra faire mention qu’à défaut de régularisation, il pourra saisir la collectivité compétente), que pour les copropriétaires qui subissent un préjudice collectif tiré de l’absence d’information qu’un AirBnB a été mis en place dans leurs immeubles.
4) Concrètement, quelle est la procédure à suivre pour un Syndicat des copropriétaires confronté à ce type de location ?
Un des autres apports de la Loi de novembre 2024 réside dans l’article 8 qui insère un article 9-2 dans la Loi du 10 juillet 1965 selon lequel :
- En premier lieu, vérifier si le règlement de copropriété n’interdit pas ce type de location en examinant les clauses associées (bourgeoisie simple, stricte ou usage mixte). Dans l’affirmative, mettre en demeure le propriétaire de cesser dans les meilleurs délais. Si celui-ci poursuit son non-respect des stipulations du règlement, une action judiciaire est bien évidemment envisageable pour solliciter sa condamnation à cesser toute location en meublé de tourisme sous astreinte.
En deuxième lieu, s’assurer que la copropriétaire qui met en location un lot de copropriété en meublé de tourisme a bien respecté l’obligation d’information au Syndic qui permet de s’assurer qu’il respecte a priori les règles d’ordre public d’urbanisme et, dans la négative, rédiger une lettre de mise en demeure documentée, faisant mention d’un signalement au service compétent de la commune du lieu d’implantation de l’immeuble.
En troisième lieu, dans l’hypothèse où le règlement de copropriété n’interdit pas ce type de location, il est toujours envisageable de diligenter une action judiciaire sur les nuisances et dégradations qu’elle génère. Le cas échéant, il convient que les nuisances affectent au moins plusieurs autres lots pour que le Syndicat des copropriétaires ait qualité pour agir. Pour ce faire, il faut pouvoir rapporter la preuve de l’importance et de la récurrence des nuisances pour pouvoir espérer obtenir une condamnation du copropriétaire concerné.
- Le Syndicat pourra prouver ces faits par des constats d’huissier. Ce dernier pourra notamment réaliser une simulation de réservation pour démontrer l’effectivité de l’annonce ou encore relever la fréquence des locations par le biais de captures d’écran des commentaires de touristes et leur ancienneté) et/ou d’attestations écrites d’autres occupants de l’immeuble constatant d’une part les rotations de touristes et d’autre part les éventuelles nuisances inhérentes.
- En dernier lieu, en cas d’absences du trouble au voisinage, faire voter une modification du règlement de copropriété sur ce point. Cette modification doit être soigneusement préparée. Le Syndic, en concertation avec le Conseil syndical, est tenu de rédiger un projet modificatif visant à interdire ou encadrer les locations touristiques. Ce projet devra être annexé à la convocation de l’assemblée générale, en respectant les obligations légales de notification.
Lors des débats, il est utile de mettre en avant les risques que ces locations représentent pour la copropriété : l’augmentation des nuisances, la détérioration des parties communes ou encore l’insécurité engendrée par la présence de personnes étrangères à l’immeuble. On peut également souligner que la prolifération de ces pratiques peut nuire à la valeur patrimoniale de l’immeuble.
Une fois la décision votée, il conviendra de formaliser la modification du règlement de copropriété et de l’enregistrer auprès des services fonciers. Les copropriétaires devront être informés de cette évolution et un rappel des obligations pourra leur être adressé. Si, malgré l’interdiction, un copropriétaire persiste à louer son bien à des touristes, la copropriété pourra agir en justice.
Pour conclure, en suivant ce mode d’emploi, les Syndics peuvent s’assurer d’une gestion sereine, efficace et juridiquement sécurisée des conflits relatifs aux locations touristiques non conformes. Pour toute action complexe, il est recommandé de se faire accompagner par un professionnel de justice, spécialisé en droit de la copropriété.
Le cabinet reste naturellement à votre disposition pour vous conseiller et, le cas échéant, vous accompagner dans la réalisation des modificatifs de règlements de copropriété afin d’intégrer ces nouvelles stipulations visant, d’une part, à sécuriser juridiquement ce document et, d’autre part, prévenir d’éventuels contentieux.
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