Réforme des baux d’habitation : ce qui change en 2024 !
Durant la pause estivale, le décret n° 2023-796 du 18 août 2023 tendant à modifier les articles 6 et 20-1 de la Loi du 6 juillet 1989 – pour lequel nous avons déjà écrit un article – est venu réguler la température au sein des copropriétés puisqu’il prévoit des cas pour lesquels le bailleur peut s’affranchir de la réalisation des travaux de rénovation énergétique, y compris si le bien mis en location est considéré comme une passoire thermique (classé « F » ou « G »).
Toutefois, ce même texte revient faire grimper le thermomètre par un autre volet, applicable immédiatement après la pause hivernale, pour les bailleurs qui seront désormais contraints de mettre à jour leurs baux d’habitation.
L’objet de cet article est donc de vous expliquer concrètement les changements que devront supporter les propriétaires bailleurs, à compter du 1er janvier 2024.
–
L’article 5 de ce décret d’août 2023 réforme le décret n° 2015-587 du 29 mai 2019 relatif aux contrats-types de location à usage d’habitation. Plus précisément, il vient retoucher les annexes en y intégrant de nouvelles mentions obligatoires, applicables aussi bien pour les contrats de location nus que meublés.
En premier lieu, le texte vient intégrer dans les stipulations relatives à la consistance du logement, l’inscription obligatoire du numéro d’identification fiscal du logement (à ne pas confondre avec celui du propriétaire).
Cette contrainte administrative paraît bien ordinaire, mais elle entraîne subrepticement une meilleure visibilité de l’administration sur le respect (ou non) des propriétaires de ces nouvelles obligations locatives.
En effet, l’article 1418 du Code général des impôts, modifié par la Loi de finances du 28 décembre 2019, a introduit une nouvelle obligation déclarative pour les propriétaires de biens affectés à l’usage d’habitation, visant à informer avant le 1er juillet de chaque année la situation immobilière desdits biens. À cet effet, ils doivent préciser s’ils s’en réservent la jouissance (résidence principale ou secondaire) ou si la propriété est mise en location, en mentionnant l’identité des occupants.
Concrètement, si le propriétaire ne se soumet pas à cette déclaration, un locataire avisé et procédurier pourra soulever cette omission qui pourra conduire à une amende de 150 euros par lot, même en cas d’erreur ou d’inexactitude de la déclaration (art. 1770 terdecies, Code général des impôts).
Sur ce point, il convient de rappeler que pour les biens en copropriété, il y a autant des numéros fiscaux que de lots de copropriété (appartement, parking, cave, etc.).
Ainsi, un propriétaire bailleur qui dispose d’une place de stationnement et d’un cave et qui ne répond pas à cette obligation s’expose à une contravention de 450 euros.
En deuxième lieu, le texte supprime le dernier alinéa du même chapitre (consistance du logement) qui disposait que :
« La consommation énergétique du logement, déterminée selon la méthode du diagnostic de performance énergétique mentionné à l’article L126-26 du Code de la construction et de l’habitation, ne doit pas excéder, à compter du 1er janvier 2028, le seuil fixé au I de l’article L173-2 du même code ».
Cette abrogation s’explique pour deux raisons.
D’une part, cette clause se basait sur l’ancienne version du diagnostic de performance énergétique, dont la nomenclature a été revue par la Loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021 (art. L. 126-26, CCH).
D’autre part, elle supprime l’obligation d’intégrer la référence à l’article L. 173-2 du Code de la construction de l’habitation. Or, cette disposition permet de s’exonérer des obligations de travaux de rénovation énergétique pour des bâtiments qui, soit, ne peuvent pas atteindre la consommation imposée en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ou, soit, pour lesquels le coût des travaux de rénovation énergétique se révèle manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien.
La curiosité est que cette mesure n’abroge pas ces exceptions, mais simplement leurs mentions dans le contrat de bail. Est-ce pour préparer les bailleurs à une disparition de ce régime d’exception ? Pour lors, nous n’avons pas la réponse.
En troisième lieu, le texte assujettit les propriétaires, par souci de transparence, à intégrer dans leurs baux l’ensemble des délais relatifs aux exigences énergétiques du logement, à savoir :
« 6° Le dernier alinéa du A du II de l’annexe 2 est remplacé par neuf alinéas ainsi rédigés :
rappel : un logement décent doit respecter les critères minimaux de performance suivants :
« a) En France métropolitaine :
« i) A compter du 1er janvier 2025, le niveau de performance minimal correspond à la classe F du DPE ;
« ii) A compter du 1er janvier 2028, le niveau de performance minimal correspond à la classe E du DPE ;
« iii) A compter du 1er janvier 2034, le niveau de performance minimal correspond à la classe D du DPE. (…)
« La consommation d’énergie finale et le niveau de performance du logement sont déterminés selon la méthode du diagnostic de performance énergétique mentionné à l’article L. 126-26 du code de la construction et de l’habitation » ;
7° A la fin du A du II de l’annexe 2, il est ajouté un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« -niveau de performance du logement : [classe du diagnostic de performance énergétique] ».
En clair, en plus de spécifier la législation énergétique, il est désormais obligatoire d’indiquer la classe du diagnostic de performance énergétique du logement. Cette mesure semble superfétatoire, puisque le bailleur est déjà tenu d’intégrer un DPE à jour en annexe de son contrat.
Néanmoins, le fait d’insérer cette mention directement dans le bail renforce sa force exécutoire, et permettra aux locataires moins éclairés de la législation de constater plus facilement si le logement répond au critère de décence, ou au contraire si le bailleur ne s’est pas conformé aux contraintes énergétiques en vigueur.
À cet égard, il convient de rappeler que bien que le contrat de location ne doive pas faire l’objet d’un enregistrement systématique auprès de l’administration fiscale, plusieurs exceptions renforcées par la loi ELAN tendent à fragiliser ce principe. En effet, en plus d’une obligation d’enregistrement du bail pour les titulaires d’un dispositif fiscal tels que le Pinel, les collectivités (communes et EPCI) peuvent désormais d’autorité fixer un permis de louer sur certaines zones délimitées par arrêté ou délibération (art. L. 634-1 et suivants, CCH). Le cas échéant, le propriétaire est aussi tenu d’enregistrer son bail et de communiquer un dossier technique, comportant le diagnostic de performance énergétique (art. 3-3, Loi du 6 juillet 1989).
En somme, la législation permettra un meilleur contrôle de l’administration sur les propriétaires et leurs gestions locatives.
En dernier lieu, concernant les dates d’applicabilité, l’intégration du numéro fiscal et du cadre légal sur les contraintes énergétiques en fonction de l’étiquette du logement sera applicable à compter du 1er janvier 2024, tandis que l’intégration du classement énergétique du logement mis en location ne courra qu’à partir du 1er janvier 2025 (art. 7, décret précité). C’est peut-être là, la seule modeste faveur concédée aux propriétaires, dont la législation ne cesse de se durcir.
Reste à voir ce que décidera le Gouvernement cette année…