Une première jurisprudence contraignante pour les DPE frauduleux !
Par un arrêt de la Cour d’appel de Rouen du 28 août 2024, des premières sanctions financières ont été prononcées à l’encontre des DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) frauduleux dans le cadre d’une vente immobilière. Cet arrêt est extrêmement instructif, tant sur la solution que sur le raisonnement emprunté par les magistrats d’appel.
Dans l’hypothèse d’une vente d’un bien entaché d’une étiquette énergétique falsifiée, qui est responsable : le vendeur, le diagnostiqueur ou encore l’agent immobilier chargé de l’aliénation dudit bien ? Autant de questions pour lesquelles l’arrêt -qui fait l’objet de la présente analyse- apporte des éclairages.
CA Rouen, 1re Chambre civile, n° 23/01268.
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En l’espèce, les requérants ont acquis un immeuble à usage d’habitation. Ces derniers contestent le DPE annexé à l’acte de vente, au motif que l’étiquette (« D » dans l’affaire) ne correspondait pas à la réalité de l’immeuble. Une expertise judiciaire a donc été prononcée au bénéfice des acheteurs permettant de constater que les vendeurs avaient déjà commandé un DPE qui avait classé le logement en « G ». L’expert judiciaire conclut à la note « F ». L’agence immobilière chargée de la vente avait d’ailleurs connaissance de ces éléments.
En droit, l’affaire est extrêmement intéressante sur le plan juridique et, ce, à deux égards.
D’une part, selon l’article L 271-4 du CCH, l’acquéreur ne peut se prévaloir des recommandations accompagnant le DPE qui n’a « qu’une valeur indicative ». Les juges vont alors décider de contourner cette disposition en se fondant sur la théorie des vices cachés.
D’autre part, le juge d’appel vient assouplir l’engagement de la responsabilité des vendeurs, de l’agent immobilier et du diagnostiqueur :
Concernant les vendeurs, le juge estime que même lors de l’achat par ces derniers, l’immeuble était classé « G » et qu’ils ont réalisé des travaux de rénovation, le classement en « D » était trop élevé et devait attirer leur vigilance. De plus, le juge s’appuie sur les factures d’énergie acquittées par les propriétaires qui attestent de la défaillance énergétique de l’immeuble et donc d’une suspicion aggravée de la fraude. Le juge confirme donc une violation de l’obligation de loyauté.
Concernant le diagnostiqueur, le juge fait une application classique du cadre légal applicable qui lui permet de justifier que les points de contrôle n’ont pas été respectés, à l’appui du rapport issu de l’expertise judiciaire. Les magistrats rappellent, en outre, que le préjudice subi par les acquéreurs « ne consiste pas dans le coût des travaux, mais en une perte de chance de négocier une réduction du prix de vente, voire de ne pas acquérir le bien ».
Concernant l’agence immobilière, comme indiqué préalablement, cette dernière avait connaissance du premier diagnostic défavorable (classement « G »). En outre, il ressort de l’instruction que l’agence a publié l’annonce de vente de l’immeuble en mentionnant une étiquette « D », avant même que le diagnostiqueur réalise son expertise. Ce problème de concordance permet donc de réputer l’agence comme complice de ces manœuvres frauduleuses. Le juge vient également rappeler l’obligation d’information renforcée qui incombe à la profession.
Des articles de presse récents indiquent que des diagnostiqueurs se laissent tenter par des vendeurs de biens immobiliers qui souhaitent « améliorer » le DPE de leur bien : cette décision vient rappeler à tous les risques encourus en la matière.