La location touristique de courte durée, plus connue sous le vocable de location « AirBnB », a connu depuis son développement assez récent une actualité juridique importante amenant tant le Législateur que les Tribunaux à en limiter l’application, au grand dam de certains bailleurs qui y ont trouvé une excellente occasion de booster leur rendement locatif.
Quid du cadre juridique ? Nous faisons le point.
Après quelques années où les locations « AirBnB » se sont répandues sans guère de contrôle, un mouvement de restriction semble se dessiner, notamment à l’aune d’un rapport parlementaire de la majorité remis le 5 juillet dernier à l’Assemblée nationale, sur les retombées des Jeux Olympiques (JO) de 2024 sur le tissu économique et associatif local.
Ce dernier préconise d’encadrer plus strictement le recours à ce dispositif, notamment en divisant par deux le nombre de nuitées autorisées au cours d’une année civile (de 120 à 60), en réformant l’abattement fiscal applicable, mais aussi en rendant obligatoire la réalisation d’un DPE préalablement à la mise en location. Cette ambition politique – soutenue par plusieurs membres du Gouvernement – semble d’ailleurs s’inscrire bien au-delà des JO puisqu’une proposition de loi sera débattue en octobre prochain visant à pérenniser les mesures précitées (proposition de loi n°1176 visant à remédier aux déséquilibres significatifs du marché locatif en zone tendue).
En l’état du droit positif, le bailleur qui use de ce dispositif doit déjà respecter un cadre légal strict résultant de dispositions éparses, savoir :
- La Loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
- Le Code du tourisme définissant la location touristique de courte durée ;
- Le Décret n° 2021-757 du 11 juin 2021 relatif à la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme ;
- Le Code de la Construction et de l’Habitation dont les articles portant sur la nécessité d’un changement d’usage des locaux destinés à l’habitation ;
- Le Code de l’Urbanisme définissant les Plans locaux d’urbanisme ainsi que les destinations possibles des constructions ;
- La jurisprudence récente en la matière.
Ce cadre juridique a principalement eu pour objectif de contraindre, si ce n’est de réduire, l’offre « AirBnB », au motif que la multiplication de ce type de location nuit à l’offre classique de logement.
À ce titre, la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion de valider les réglementations locales restrictives mises en œuvre à cet effet, et notamment celle de la Ville de PARIS, (CJUE, 22 sept 2020 aff C-724/18 et C-727/18 Cali Apartments SCI et H.X c : Ville de PARIS), considérant que le dispositif qui soumet à autorisation la location de locaux meublés destinés à l’habitation d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile et effectuée de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel, est conforme au Droit de l’Union européenne.
La même solution a été adoptée en droit interne, consécutivement à trois arrêts majeurs de la Cour de cassation du 18 février 2021 (n°17-26.156 ; 19-13.191 ; 19-11.462) :
- « Hormis les cas d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018, d’un bail à mobilité réduite d’une durée de un à deux mois et de la location du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 Juillet 1989 constitue un changement d’usage d’un local destinée à l’habitation soumis à autorisation préalable. »
Ainsi, les propriétaires et investisseurs qui avaient basé leur achat sur la location « AirBnB » se sont trouvés contraints par cette réglementation et pour certains démunis, notamment ceux ayant acquis pour ce faire des lots en copropriété réservés à une destination d’habitation.
Parallèlement, dans le cadre de la Loi ELAN du 23 novembre 2018, le Législateur a mis en place, dans un souci de facilitation des rapports locatifs, un nouveau bail dit « mobilité » (art. 107).
Celui-ci a vocation à assurer une offre de logement, pour une durée courte, comprise entre 1 et 10 mois qui ne peut être ni renouvelée ni reconduite, à un public ciblé pouvant justifier être :
- En formation professionnelle ;
- En études supérieures ;
- En contrat d’apprentissage ;
- En stage ;
- En engagement volontaire dans le cadre d’un service civique ;
- En mutation professionnelle ou en mission temporaire (intérimaires ou travailleurs saisonniers).
Le bail mobilité, contrairement à la location « AirBnB », relève donc d’un cadre juridique certes précis sur la durée et le public visé, mais peu contraignant pour sa mise en œuvre, car étant assimilé à une location aux fins d’habitation (v. notamment les articles 25-12 et suivants de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs). De telle sorte qu’il ne tombe pas sous le coup des réglementations précédemment citées qui limitent fortement la multiplication des biens loués en « AirBnB ».
C’est ainsi qu’en cette période estivale où l’on évoque régulièrement le « surtourisme » et qui préfigure l’accueil de spectateurs venus du monde entier pour les prochains JO, certains investisseurs éconduits, voire échaudés, ont la tentation de dissimuler la location de leurs biens auprès de plateformes de type « AirBnB », désormais proscrite dans de nombreux cas et que, de surcroît, les Tribunaux identifient désormais parfaitement bien.
Des conseillers en investissement, et même quelques avocats, présentent d’ailleurs ce nouveau bail comme étant le nouvel « eldorado » des petits investisseurs.
Or, une telle démarche ne peut que s’apparenter à une fraude à la Loi. Dès lors, nous ne pouvons que déconseiller les bailleurs, et plus encore leurs gérants locatifs, de s’engager dans une telle voie, même si la perspective d’un gain ponctuel et surmajoré lors de périodes propices s’avère alléchante.
Outre le fait que les Tribunaux ne seront pas dupes, les copropriétés et les collectivités locales ne manqueront certainement pas de déployer la même énergie qu’elles ont mise à contraindre les
« AirBnB » pour sanctionner l’usage dévoyé de la matrice des baux-mobilité pour des mises en location qui n’en sont pas. D’ailleurs, certains élus ont déjà manifesté leur volonté de mettre un terme à cette souplesse au lendemain de la cérémonie de clôture des JO, en procédant notamment à des contrôles administratifs pouvant conduire, le cas échéant, à des procédures contentieuses.
- Dans cette perspective, notre équipe d’experts se tient à votre disposition pour sécuriser vos projets locatifs.
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